La semaine dernière, j’ai reçu un diagnostic de dépression psychotique. Il y a environ sept semaines, j’ai eu une deuxième « dépression nerveuse ». En faisant des recherches pour essayer de comprendre mon diagnostic et ce que je vivais, j’ai tapé « psychotic depression » dans Google. Cependant, j’ai trouvé que toute l’information était trop macabre et trop personnelle. Ce n’est vraiment pas nécessaire de connaître les moments les plus sombres de chacun, n’est-ce pas? Je suis ensuite allée sur Facebook et recherché « psychosis ». Les articles et les messages portaient tous sur des meurtres, l’aliénation mentale ou les drogues. Je me suis dit : « Alors, quand j’annoncerai mon diagnostic à quelqu’un, il fera des recherches en ligne et finira par découvrir toutes sortes d’activités criminelles liées à ma maladie. » Je ne trouve pas que cette information reflète mon expérience de psychose.
Imaginez... que tous vos moments les plus sombres sont affichés sur Facebook. C’est ce que j’ai vécu en ce qui concerne la psychose. Je racontais mon expérience par courriel, sur Facebook, par textos et par téléphone. Je comprends que c’est important d’être ouverte et transparente. Toutefois, ce n’était pas mon intention d’être reconnue par la psychose dans les médias sociaux. La vérité? Je ne me souviens pas très bien de ce que j’ai écrit ou dit. C’est une expérience très embarrassante.
Je décrirais la « psychose » comme un état de rêve. La différence, c’est que je vis mon rêve dans la réalité plutôt que dans mon sommeil. C’est effrayant et sombre. Ça me fait peur, mais tout n’est pas sombre. Il y a aussi de bons moments.
Ce qui est le plus pénible, c’est l’isolement. Quand, en raison de ma maladie, les gens me perçoivent comme une personne qui risque de tuer quelqu’un ou de « devenir folle », ma douleur s’alourdit. Comme je l’ai dit à bon nombre de personnes, si j’avais le cancer, les gens feraient une course pour moi. Mais, en raison de ma maladie, les gens ont plutôt tendance à me fuir. Je ne fais pas des choses que les gens « normaux » font. Je consulte un psychiatre ou un psychologue et j’essaie de trouver la meilleure façon de surmonter les obstacles jour après jour. Je me sens très isolée.
Cependant, je dois dire que, cette fois, j’ai été plus ouverte avec les gens. J’ai été touchée par le nombre de personnes qui m’ont acceptée et soutenue. Ces gestes ont apaisé ma douleur.
J’étais adulte et je vivais avec mes parents depuis plusieurs années. Je n’aurais jamais cru pouvoir quitter le nid familial pour aller m’installer dans mon propre petit appartement intime à une chambre à coucher, en plein centre-ville. Pour personnaliser mon logement un peu, j’ai décidé de le décorer avec des motifs de léopard et des papillons aux couleurs vives.
Côté travail, c’était un peu la même chose : cela faisait des années que j’étais sans emploi, mais j’en avais trouvé un à placer des produits sur les tablettes dans un magasin, en ville. C’était fantastique. Je me tenais occupée pendant le jour et, en plus, je me faisais payer. En raison d’une blessure subie au travail, je poursuis maintenant une carrière d’écrivaine.
Un soir, lors d’une séance d’études bibliques pour célibataires au Tim Hortons, j’ai fait connaissance avec un homme au cœur très tendre, et aux paroles douces. Il me fait rire et a le tour de me séduire. Il me laisse des petits messages d’amour tous les matins et me cueille des fleurs. Eh oui, c’est lui le bon; c’est le meilleur compagnon que je puisse me trouver. Nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre et nous nous sommes mariés récemment. Vous saurez que je n’habite plus dans mon petit appartement douillet, mais dans un grand appartement de sous-sol flambant neuf donnant sur une cour qui attire les animaux sauvages. J’adore cet endroit.
Cette histoire peut vous sembler idéale, mais ça n’a pas toujours été aussi rose. Il m’a fallu plusieurs années et beaucoup d’efforts pour me rendre où j’en suis aujourd’hui. Avant cette nouvelle vie, j’étais très malade, physiquement et mentalement. J’ai cherché des réponses, mais je ne les ai pas trouvées avant d’avoir perdu tout ce qui comptait pour moi – mon identité et ma foi chrétienne.
J’avais entrepris une aventure folle; je croyais que j’étais une prophétesse de Dieu. Si je ne sauvais pas le monde, les gens iraient en enfer. Leur destin était entre mes mains. J’étais enceinte de l’Esprit saint et j’allais donner naissance à une nation qui allait croire au Seigneur Jésus-Christ, et les personnes non croyantes allaient brûler dans le lac de feu. Mes visions me montraient clairement à quoi ressemblerait l’avenir de la race humaine. Je devais sauver les âmes perdues. Quel énorme fardeau à porter. L’anxiété m’a envahie et a sapé tout mon enthousiasme, parce qu’on allait un jour se moquer de moi et me forcer à endurer le calvaire de la croix, comme Jésus.
Debout, nue en public, j’ai déclaré à tous que Dieu les aimait et qu’ils pouvaient vivre sans honte, comme l’avaient fait Adam et Ève avant la chute de l’humanité, parce que c’était évident que je n’avais aucune honte.
Je me suis alors fait transporter par la police à l’hôpital psychiatrique, où on m’a annoncé que je souffrais d’un trouble schizoaffectif. Mais, je ne croyais pas que j’avais une maladie mentale – tout me venait de Dieu.
Je disais au personnel que le démon était partout. Ce dernier me jouait des tours; il essayait de me piéger et de m’arrêter. Et le personnel était de son côté. Ma tête m’avait convaincue que j’allais me faire torturer à l’hôpital, ce qui témoignerait de la gloire de Dieu. Il allait venir ici-bas pour me sauver. Beaucoup de personnes finiraient alors par croire en son nom. Affalée dans un fauteuil, de mauvaise mine, j’attendais nerveusement de voir le conseiller pastoral en psychiatrie. Je portais un T-shirt sur lequel était inscrit « Life is Good » (je me disais que c’était loin d’être vrai), puis je pesais 118 livres. Mes joues enfoncées et mes yeux verts fixaient du regard l’homme mince de 6 pieds 2 pouces qui marchait vers moi.
J’avais déjà jugé cet homme. Mon visage en disait long et j’ai pris une grande respiration. Comment allait-il m’aider? Il était comme le reste du personnel; il ne faisait que passer le temps. Mais cet homme me paraissait différent. Son regard était sincère, il souriait tendrement et était sympathique.
Avec réserve, j’ai salué le conseiller sans trop me dévoiler dans mes pensées. Il voyait bien que j’étais terrifiée de l’inconnu. Qu’est-ce que tout cela signifiait, les voix qui me parlaient? J’étais une prophétesse, j’étais enceinte de l’Esprit saint et j’allais sauver le monde. Cet homme était mon adversaire aussi; du moins, c’était ce que je pensais. Mais, pour une raison quelconque, il a graduellement réussi à me convaincre que Dieu n’allait jamais faire chose pareille, me torturer ainsi. Il m’a dit la vérité, c’est-à-dire qu’à l’église, on m’avait portée à croire à toutes ces idées sur la prophétie. Dieu ne m’a pas rendue enceinte par le Saint-Esprit. C’est ce qu’il a fait à Marie. Dieu n’avait pas besoin que je sauve le monde; Jésus était déjà venu le faire. La voix que j’entendais n’était pas celle de Dieu ni celle du démon, mais une maladie. Pourtant, je croyais à ces choses qui n’étaient pas vraies. J’étais convaincue que c’était un don spirituel. On m’avait fait un lavage de cerveau. Cela me rendait folle; je ne pouvais pas faire la distinction entre le bien et le mal. Ce qui était pire encore, c’était que l’Église, le corps du Christ, m’avait déclarée possédée par le démon. L’Église et toutes ses manies charismatiques ne m’avaient pas aidée une miette. Je croyais toutes ces choses.
Plus je passais de temps avec mon conseiller, plus je redevenais moi-même. Après un certain temps, il est devenu mon ami; je savais que je pouvais lui faire confiance. J’entendais encore des voix de Dieu, mais un miracle s’est produit quand j’ai commencé à prendre des médicaments. Les voix ont cessé. Les hallucinations ont cessé. Les délires ont cessé. Et toutes les odeurs étranges ont disparu. Cependant, mon identité et ma foi en avaient pris un dur coup. Comment Dieu avait-il pu me faire ça? Comment pouvait-il être bon? Et comment les passages dans la Bible pouvaient-ils être vrais quand toutes ces histoires et tous ces gens me paraissaient fous maintenant?
Le plus modeste des hommes m’a conseillée. Il n’avait pas les réponses pour moi, mais il m’a appris que la vie, c’est l’amour. Il m’a dit que les dernières paroles prononcées par Jésus à ses disciples, c’était « Aimez-vous les uns les autres ». C’est ce que j’allais faire – aimer les autres. J’avais découvert une nouvelle foi en Dieu.
Avant que je quitte l’hôpital, voici ce que mon conseiller m’a dit : « Tu es une jeune femme merveilleuse qui a beaucoup à offrir; crois-moi! » Ses paroles ont révélé mon identité – il me faut simplement être moi-même.
En perdant mon identité, j’avais gagné plus que je n’avais jamais eu. J’ai découvert ma nouvelle identité et ma nouvelle foi chrétienne. Cette fois, elle était réelle – ma vie était réelle. Aujourd’hui, je consulte une femme admirable une fois par semaine à la Clinique de santé mentale de ma ville. Sans mes médicaments, ma santé mentale redeviendrait instable, et ma vie s’écroulerait. Voilà pourquoi je continue de les prendre tous les jours. La vie est belle!
En perdant la tête, j’ai découvert qui j’étais.
J’aime qui je suis aujourd’hui. Si je n’avais pas vécu d’épisodes de psychose, de dépression et d’anxiété, je ne serais pas la même personne. Ces expériences ne me définissent pas, mais elles font partie de moi – la partie qui me rappelle de bien prendre soin de moi. En prenant mes médicaments tous les jours, je prends soin de moi-même. Aussi, je fais de l’exercice, je dors suffisamment et je peux compter sur un solide réseau composé de membres de ma famille, d’amis et de professionnels de la santé.
Je travaille maintenant à temps plein. J’avais passé six ans au chômage avant de reprendre le travail. Je travaille depuis trois ans et à temps plein depuis un an. Mon patron et mes collègues sont formidables. Ils me soutiennent et comprennent quand j’ai besoin de prendre une journée de congé.
Ce n’est pas du jour au lendemain que j’ai adopté une attitude positive face à la vie. Cela a été un processus, un parcours. Je ne suis pas arrivée où j’en suis sans aide. Je n’en connais pas l’auteur, mais j’aime l’expression suivante : « Ce n’est pas la destination, mais la route qui compte ». Le bien-être n’est pas une destination, mais un processus continu parsemé de hauts et de bas. Dernièrement, il y a plus de hauts que de bas. J’espère que les choses vont continuer à aller aussi bien le plus longtemps possible. Quand je fais une rechute, je sais que je peux m’en sortir et que j’ai les outils nécessaires.
Une chose que j’ai apprise de mon expérience de la maladie mentale, c’est que les sentiments horribles finissent par disparaître. Quand on est en pleine crise, on pourrait croire qu’on ne finira jamais par se sentir mieux, mais ça arrive. Chaque jour, on recommence à neuf. Tâchez de garder espoir. N’abandonnez pas. Même si vous passez par des périodes de désespoir, tournez-vous vers les gens qui vous entourent. Ils vous aideront à traverser les moments difficiles, parce que ce n’est qu’un moment dans le grand ordre des choses. Un simple bip sur l’écran du radar le long du parcours de la vie.Aujourd’hui, j’ai l’impression que la chance me sourit. Je ne dis pas que mon bien-être est attribuable à la chance. Au contraire, il a fallu beaucoup d’efforts, d’amour et de patience – on ne peut pas guérir du jour au lendemain. Je n’aurais jamais cru me rendre où j’en suis aujourd’hui.
J’aimerais tout simplement remercier les personnes qui m’ont accordé leur soutien, qui m’ont offert leur épaule quand ma situation n’était pas rose, et surtout ma mère avec qui je me suis amusée à dire qu’on avait rattaché le cordon ombilical. Elle dormait à mes côtés quand les choses n’allaient vraiment pas bien. Elle me faisait prendre mes médicaments quand je croyais que je n’en avais pas besoin et s’assurait que je ne ratais pas mes rendez-vous. C’est grâce à sa force que j’ai pu y arriver, parce que ces rendez-vous et ces médicaments représentaient l’espoir – la lumière au bout d’un long tunnel.
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